« Quand je suis arrivé à Paris, tout le monde ne parlait que de « tapas ». Mais, en Espagne, si on met quatre personnes autour d’une table, personne n’en a la même définition. A l’époque, j’ai écrit un manifeste pour le Fogón qui évoque notamment les tapas, dans lequel j’explique qu’il ne s’agit pas de la portion d’un plat. Chaque tapas a une entité propre, une recette. Les tapas du Fogón, ce sont des propositions précises et finies.
Je me suis dis que l’on pouvait finir le repas avec des tapas sucrées. Je ne sais pas si je suis le premier à le faire mais je ne dois pas en être loin. Ici, les tapas sucrées bousculent les frontières entre le sucré et le salé, et composent un petit plateau de quatre ou cinq émotions, qui se répondent comme des rimes et que l’on savoure sans ordre prédéfini.
Pour moi, les tapas se définissent aussi par une certaine façon de consommer la nourriture. C’est la raison pour laquelle j’ai créé ces tiroirs dans ces tables que j’ai inventées, et qui s’appellent d’ailleurs « antojo », ce qui signifie « envie » en espagnol. Ces tiroirs permettent de sortir des couverts pour déguster chacun des plats au rythme que je souhaite impulser, sans tout changer en permanence sur la table.
Dans les restaurants, devant un menu dégustation, on passe en général 4 heures à table. Au Fogón, le menu tapas dure une heure et demi. Le rythme est plus soutenu. Tout est plus minimal, plus concentré. Je raconte une histoire dans le goût, qui peut être une bouchée, comme une olive farcie de cocktail Martini par exemple. En réalité, les tapas, c’est un état d’esprit pendant et hors des repas. C’est un désordre organisé ! »