Avant d’ouvrir mon restaurant à Paris, j’ai constaté que les plats espagnols les plus connus à Paris étaient les tapas et la paëlla. Et, surprise, juste après arrivait la sangria. Personnellement, j’en ai toujours eu une mauvaise image. Ce n’est ni gourmet ni gourmand, pas fin et peu délicat. Mais tout le monde m’en demandait, parce qu’un restaurant espagnol se devait de proposer de la sangria. J’ai donc cherché une idée qui amène un goût intéressant. Nous avons toujours servi de la sangria mais c’est en 2008 qu’est arrivée sur la carte la sangria Fogón.
Tout est parti de l’histoire des Pères Chartreux, expulsés de France au tout début du XXème siècle et réfugiés à Tarragone, en Espagne. Ils y ont élaboré des produits jusqu’à ce qu’ils obtiennent le droit de revenir, dans les années 20. Sur place, ils ont trouvé une qualité de plantes qui les a conduits à faire des produits différents de la Chartreuse d’avant. Leur liqueur, qui s’appelle la Tarragone, est devenue très recherchée, notamment par des collectionneurs. Quand j’ai appris cette histoire, j’ai voulu retrouver ces bouteilles. J’en avais même quelques-unes chez moi, acquises voici des années par mon père. En allant dans la région, où subsiste une tradition de distillation, j’ai choisi un vermouth espagnol de très grande qualité, peut-être le meilleur vermouth au monde, le Yzaguirre.
C’est cette liqueur, issue de la distillation de 80 plantes aromatiques, qui constitue la base de la Sangria del Fogón. Nous la mélangeons avec du vin rouge, des cépages grenache et carignan, et de la fleur d’oranger. Enfin, de manière à ce que les fruits soient bien présents, nous y ajoutons une émulsion de framboises, oranges amères et fruits rouges, et l’on dépose cette mousse au-dessus, comme un capuccino. »